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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

6 février 2014 4 06 /02 /février /2014 15:38

Le paradoxe de l'homme est tout entier dans les trois constatations suivantes : une matière pénétrée d'esprit; une vie terrestre appelée dès maintenant à devenir céleste; une destinée du temps liée à une vocation éternelle.

 

Le para­doxe de notre époque, ainsi, consiste à ne tenir compte que d'une partie de lui-même, la moins haute; à l'orienter vers la matière aux dépens de l'esprit; à lui organiser une vie toute terrestre, et à nier ou à négliger totalement sa vocation éternelle.

 

La destinée reste, et on ne peut changer le plan créateur. On peut seulement le déjouer aux dépens de l'homme lui-même. C'est bien ce qui arrive. A vouloir nous combler de satisfactions, on n'aboutit qu'à nous rendre haletants, exaspérés de compétitions, écœurés et vides.

 

A vouloir se divertir au sens le plus plaisant, on se jette dans les divertissements, c'est-à-dire à l'oubli de soi-même, à l'affole­ment et au suicide moral, quand ce n'est pas à l'autre.

 

Un ami de l'homme ne peut alors que lui crier avec le prophète : Hommes, re­venez à votre propre cœur. Ce qu'on vous pro­pose est bel et bon, mais n'est pas suffisant, n'est pas de votre niveau, n'est pas de votre monde, parce que l'esprit n'y a point sa juste part.

 

Les joies du corps n'aboutissent qu'au cimetière, avec quelques détours. La terre est petite et ne mérite pas que sa conquête absorbe un être im­mortel. Le temps qui fuit n'est pas égal à l'esprit qui demeure, qui en est toujours à son commen­cement et n'a d'objets à sa taille que dans l'éternel.

 

J'aime les grands desseins qui sont toujours punis, dit un héros de la Princesse lointaine. C'est beau; mais plus beaux et plus normaux sont les grands desseins qui aboutissent parce qu'ils répondent à la nature et à la capacité de ceux qui les entreprennent, à leur situation vraie, aux invitations du sort qui a nom providence, et ainsi à leurs propres vœux, explicites ou secrets.

 

Tout l'effort de notre vie a-t-il un autre sens que de changer en réalités nos intimes souhaits, qui ne sont tels qu'en raison de l'impulsion à nous imprimée par la Cause première ? On nous crée, on nous lance : cela est tout un.

 

Le dyna­misme d'un vivant fait partie de son être, et nous n'avons en tout qu'à y obéir. Mais encore faut-il l'avoir reconnu, se l'être intimé à soi-même en sa vérité et, s'il est complexe, en son harmonie, avec son échelonnement de valeurs, sous la loi de ce qu'il y a en lui de suprême.

 

D'après saint Thomas d'Aquin, les vertus mo­rales n'ont d'autre rôle que de « satisfaire comme il convient les tendances de notre nature ». Voilà pour étonner ceux qui croient à je ne sais quel « caporalisme » moral ou religieux. Mais qu'est notre nature ? Tout est là.

 

Se contenter de la nature inférieure, c'est dé­roger; s'abandonner à elle, c'est se perdre. Toutes nos attaches profondes sont hors la vie ainsi mutilée, hors d'elle les objets de nos aspirations, notre climat véritable, par suite notre fin.

 

Si nos assurances d'avenir ne consistent qu'à faire foi au meilleur de nous-mêmes et aux réa­lités qui s'y apparentent, je comprends ce philo­sophe répondant à un enquêteur qui lui demandait quel est son rêve : « Me réveiller. »

 

Extrait de : RECUEILLEMENT. Œuvre de A. D. Sertillages O.P. (1935)

 

elogofioupiou.over-blog.com

 

 

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