Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

25 février 2014 2 25 /02 /février /2014 09:46

Il est à peine besoin de méditer sur la pos­session de soi, après la connaissance de soi : c'est pour ainsi dire une même chose. Je ne finis de me posséder que si je m'ignore. Qui voudrait abandonner pour toujours son vrai moi? C'est parce que je me confonds momentanément avec de vains objets que je m'y précipite. Je crois me retrouver dans le rien parce que je m'égale au rien. Me sachant grand, je ne pourrais être en quête que de grandes choses, et me jugeant divin, aussitôt j'accourrais vers Dieu.

 

Ce Dieu, en moi, voudrait bien entrer dans ma conscience claire, se faire reconnaître et mener le jeu de ma vie; mais il n'y a personne pour lui ouvrir. Il parle, appelle, insiste; mais les passions, nos passions à tous nous font du bruit, et nous n'entendons rien. Nous nous lais­sons accaparer par le dehors. Le cri des réalités tapageuses couvre la voix de l'Esprit qui au dehors aussi pourrait se faire entendre. Nous voilà tiraillés et « divertis ». L'objet le plus fort nous mène. Appartenant ainsi à tout venant, comment nous appartiendrions-nous à nous-mêmes?

 

Nos plus grandes décisions se prennent à pro­pos d'états qui ne sont pas destinés à durer. Nous semons, dans le désarroi de ce perpétuel im­promptu, ce que nous ne voudrions pas mois­sonner et mettre en grange. C'est notre volonté persistante, qui réussit, allant toujours dans le même sens tout d'abord jugé, et forçant, pour une large part, la fortune. Mais une volonté per­sistante est l'effet d'un regard clair et obstiné­ment attentif. Ignorant ma destinée vraie parce que je m'ignore moi-même, ou perdant de vue ma destinée vraie parce que je perds conscience de moi-même, je coupe ma vie en petites destinées successives, insuffisantes, coupables ou absurdes, et je suis un dévoyé et un esclave du hasard.

 

La valeur d'un homme se reconnaît à ce qu'il peut se demander quelque chose, sûr de l'obtenir, étant supposé qu'il ne se demande que de bonnes choses. Être capable d'un devoir, au besoin d'une corvée, c'est être adapté déjà à une destinée, ce qui suppose une pleine conscience de soi-même.

 

Eckermann dit de Gœthe : « On voyait qu'il a en lui-même son point d'appui et qu'il est au dessus de l'éloge et du blâme, » Si le chrétien était ainsi! Avoir en soi-même son point d'appui; trouver là Dieu, dont la lumière éclaire nos voies en éclairant notre être, en manifestant nos liens, en décelant nos ressources, en démasquant nos pièges : ne serait-ce pas le salut décisif ?

 

Une vie, c'est une âme que Dieu conduit au moyen d'elle-même, grâce à l'évidence de sa vocation éternelle, dans la fidélité attentive, dans le patient et constant effort en la possession de soi.

 

Extrait de : RECUEILLEMENT. Œuvre de A. D. Sertillages O.P. (1935)

 

elogofioupiou.over-blog.com

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires