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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

14 octobre 2017 6 14 /10 /octobre /2017 04:07

S. S. Paul VI et le vrai   prêtre catholique…     

(17 février 1972)

Prenons garde à une chose importante. Dans toute cette problématique, à la fois interne et externe, de no­tre sacerdoce, une question domine les autres, et en un certain sens les récapitule toutes. Elle est désormais devenue monnaie courante dans la discussion complexe qui nous concerne. C'est la question le l'identité du prêtre : Qui est le prêtre ? Dans la religion chrétienne existe-t-il véritablement un prêtre ? Et, s'il existe un ministre de l'évangile, quelle figure doit-il avoir ?

Les tentations se sont insinuées jusqu'au fond même de la conscience intime du prêtre pour détruire en lui la bienheureuse certitude intérieure de son statut ecclésial : « Tu es Sacerdos in aeternum-», et la remplacer par une interrogation obsédante : Qui suis-je ? Ne suffisait-elle pas, la réponse de l'Eglise donnée depuis toujours, qui nous a été transmise par les années de séminaire, allumée comme une lampe inextinguible au centre de notre âme, et devenue comme connaturelle à notre propre menta­lité ?

Interrogation aussi superflue que dangereuse à première vue, oui certes. Mais le fait est qu'elle a été lancée, comme une flèche, dans le coeur de nombreux prêtres, et surtout de quantité de jeunes au seuil de l'or­dination, et dans le coeur de quelques-uns de nos frères dans le sacerdoce arrivés à l'âge mûr. Les prêtres qui se sont trouvés sur ce récif ont eu tendance à douter d'eux-mêmes, de l'autorité de l'Eglise. Une telle tendan­ce peut être légitime en soi, mais elle se transforme bien vite en tentation et en déviation, dans l'impossibilité où l'on est d'y trouver une réponse satisfaisante. On est alors allé chercher l'identité du prêtre dans l'état civil profane, dans la sociologie en particulier, ou la psycholo­gie, ou même dans la comparaison avec des dénomina­tions chrétiennes détachées de la racine catholique, ou enfin dans un humanisme qui prend toutes les apparen­ces d'un axiome : le prêtre est avant tout un homme, un homme complet, un homme comme tous les autres...

Nous nous limitons ici à une affirmation fondamen­tale : la définition de l'identité du prêtre, nous devons la chercher dans la pensée du Christ. Seule la foi peut nous dire qui nous sommes et ce que nous devons être.

a) Nous sommes des appelés.

Demandons donc humblement à notre Maître Jésus : qui sommes-nous ? Ne devons-nous pas nous interroger sur la façon dont il nous considère, dont il nous veut ? Quelle est, devant lui, notre identité ?

Une première réponse nous est donnée tout aussi­tôt. Nous sommes des appelés. Notre Évangile commen­ce par notre vocation. (Il nous semble que nous avons le droit de reconnaître dans l'histoire des Apôtres notre histoire à nous, prêtres.)

C'est Jésus qui prend l'initiative. Lui-même le fait remarquer : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, niais c'est moi qui vous ai choisis. » (Jn 15).

Ce dessein évangélique nous concerne personnelle­ment. Je le répète : nous sommes des appelés. La fa­meuse question de la vocation touche la personnalité et le destin de chacun d'entre nous. Quelles qu'aient été l'évolution et l'éducation de notre vocation, celle-ci cons­titue ce qu'il y a de plus intéressant dans l'histoire per­sonnelle de notre vie. Il serait stupide de vouloir la ré­duire à un ensemble de circonstances banales et extérieures. Il faut plutôt souligner les soins toujours plus rigoureux et attentifs avec lesquels l'Eglise cultive, choi­sit et assiste les vocations sacerdotales; il y a là un élé­ment de certitude pour conformer notre identité que, bien souvent aujourd'hui, on dépèce artificiellement pour la déclarer inauthentique. Pourtant, il est bien difficile de nos jours qu'une vocation ecclésiastique soit fondée sur des motifs intérieurs et extérieurs que l'on puisse honnêtement attaquer.

Nous devons plutôt penser à certains aspects de cet­te vocation qui est venue frapper à notre porte. Elle a marqué le moment où notre liberté a joué à plein. Celle-ci a pensé, réfléchi, voulu, décidé. Elle a provoqué le grand choix de notre vie. Analogue au oui de celui qui contracte mariage, notre réponse, à l'opposé de la versatilité de l'homme dépourvu d'un idéal qui le dépasse, a engagé notre existence, la forme, la mesure et la durée de notre offrande. C'est pour cela qu'elle est la page la plus belle, la plus idéale de notre histoire d'homme : prenons garde de la dévaluer ! Et tout aussitôt elle a marqué de son formidable oui notre vie, qui sera désor­mais mise à part, différente de celle des autres. Saint Paul le dit de lui-même : «mis à part pour annoncer l'Évangile de Dieu », un oui qui en un seul instant nous a arrachés à tout ce qui nous appartenait : « laissant tout, ils le suivirent» (Luc, 5, 11); un oui qui nous met en apparence dans le camp des idéalistes, des rêveurs, des fous, des ridicules; mais aussi, grâce à Dieu, dans le camp des forts, de ceux qui savent pour quoi ils vivent, pour qui ils vivent. C'est à tout cela que nous sommes appelés. Mis à part du monde, oui, mais non séparés de ce monde pour lequel nous devons être avec le Christ et pour le Christ ministres du salut....

b) Nous sommes des disciples

Nous sommes donc appelés, mais dans quel but ? No­tre identité s'enrichit d'une autre note essentielle : nous sommes des disciples. Le terme disciple est corrélatif à un autre terme qui ne peut faire défaut, celui de maître. Qui est notre Maître ? C'est le moment de le rappeler : « Vous n'avez qu'un Maître, et tous vous êtes des frères. Vous n'avez qu'un docteur, le Christ » Par le fait même que les appelés sont des disciples, ils seront élevés à la fonction de maîtres chargés d'enseigner, non .leur propre doctrine, cela est clair, mais celle qui leur a été révélée par le Christ, d'une façon analogue, en dépit de la distance infinie, à ce que le Christ a dit de lui-mê­me : « Ma doctrine n'est pas de moi, mais de Celui qui m'a envoyé. » (Jn 7, 16.) C'est pourquoi, dans la mesure où nous sommes des disciples, nous pouvons dire égale­ment que notre identité sacerdotale comporte une attri­bution de magistère : nous sommes disciples et nous sommes maîtres; nous sommes des auditeurs de la Pa­role du Christ et des messagers de la Parole elle-même.

Le caractère de disciples du Christ comporte, vous le savez, Frères très chers, un double devoir fondamen­tal pour la vie du prêtre en quête d'authenticité : le premier est celui du culte de l'enseignement du Christ. Si cet enseignement se ramifie en de nombreuses direc­tions, toutes tendent vers des buts essentiels à la défini­tion du prêtre. Énumérons-les rapidement : écouter. Écouter la voix de l'Esprit du Christ, c'est-à-dire les as­pirations qui ont une véritable origine surnaturelle; écouter la voix de l'Eglise quand elle parle dans l'exer­cice de son magistère, soit ordinaire, soit extraordinaire; écouter l'écho de la voix du Seigneur dans celui qui nous parle en son nom, comme l'évêque ou le maître spirituel, ou l'ami à la bonté éclairée; écouter aussi la voix du Peuple de Dieu quand elle nous rappelle à nos devoirs ou nous demande parfois quelque service conforme à notre ministère. Écouter en étudiant les sciences sacrées (bien souvent les laïcs sont mieux informés des matiè­res de leur compétence que nous des doctrines religieu­ses.) Écouter enfin en nous livrant à l'oraison mentale, à la méditation : nous savons bien à quel point celle-ci sert d'aliment à notre vie personnelle et spirituelle.

c) Nous sommes des apôtres.

Dans la pensée de Jésus, il y a encore une note es­sentielle pour notre identité. C'est le fait que, de disci­ples, il nous a promus apôtres. Écoutez, comme en syn­thèse de ce que nous sommes en train de dire, l'évangéliste saint Luc : « il appela ses disciples et en choisit douze, auxquels il donna le nom d'apôtres ». L'applica­tion aux prêtres de ce titre souverain d'apôtres ne nous paraît pas abusive, servatis servandis; ni même la re­cherche, en ce titre même, des pouvoirs et des fonctions propres au prêtre du Christ.

Chacun de nous peut dire : je suis apôtre. Que veut dire ce mot d'apôtre ? Il veut dire envoyé. Envoyé par qui ? Et envoyé à qui ? La réponse à l'une et l'autre question, c'est Jésus lui-même qui nous la donne le soir de la Résurrection : « Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Réfléchissez à cela. Il y a de quoi rester frappé de stupeur : d'où vient mon sacer­doce et vers quoi tend-il ? Qu'est-il, sinon un chemin de vie divine qui, en prolongeant la mission de salut, à la fois divine et humaine du Christ, sert à communiquer les mystères divins à l'humanité ? ...

Que l'on nous considère, dira saint Paul, comme intendants «des mystères de Dieu». Nous sommes des ministres de Dieu. C'est-à-dire des serviteurs : nous ne donnerons jamais un sens assez plein à ce terme, re­latif à notre personne et encore plus à notre mission, par lequel le Christ a voulu définir la sienne aussi bien que la nôtre, dans une profonde humilité, dans une par­faite charité : «... vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres ». Mais en même temps, quelle dignité, quels pouvoirs comporte un tel service : c'est celui d'un ambassadeur ! « Nous sommes en am­bassade pour le Christ, comme si Dieu exhortait par nous. » Et il y a aussi les pouvoirs sacramentels qui fe­ront de nous les instruments de l'action même de Dieu dans les âmes. Ce n'est plus notre seule activité humai­ne qui nous caractérise, mais l'investiture des vertus di­vines agissant dans notre ministère. Une fois compris le sens et la valeur sacramentelle de notre ministère, c'est-à-dire de notre apostolat, toute une série d'autres défini­tions peuvent donner un éclairage spirituel, ecclésial et même social au prêtre catholique, de manière qu'on puis­se l'identifier parmi tous, aussi bien au-dedans qu'au-dehors de la société ecclésiastique.

Il est non seulement le presbytre qui préside aux actes religieux de la communauté, mais il est véritable­ment l'indispensable et l'exclusif ministre du culte offi­ciel accompli in persona Christi et en même temps in nomine populi, l'homme de la prière, le seul à pouvoir offrir le sacrifice eucharistique, celui qui redonne vie aux âmes mortes, le trésorier de la grâce, l'homme des bé­nédictions. Lui, le prêtre-apôtre, il est le témoin de la foi, le missionnaire de l'Évangile, le prophète de l'espérance, le centre où progresse et se récapitule la communauté, le constructeur de l'Eglise du Christ fondée sur Pierre.

Et voici enfin son titre propre, humble et sublime : il est le pasteur du Peuple de Dieu, l'ouvrier de la cha­rité, le protecteur des orphelins et des petits, l'avocat des pauvres, le consolateur de ceux qui souffrent, le père des âmes, le confident, le conseiller, le guide, l'ami de tous, l'homme « pour les autres » et, s'il le faut, le héros volontaire et silencieux.

Si l'on regarde bien le visage anonyme de cet homme solitaire, sans foyer, on découvre l'homme qui ne sait plus aimer comme hom­me, parce que tout son coeur il l'a donné, sans rien rete­nir en propre, à ce Christ qui s'est donné lui-même jus­qu'à la croix pour lui, et à ce prochain qu'il s'est donné comme but d'aimer à la mesure du Christ. Tel est, en effet, le sens de sa belle et grande immolation dans le célibat : en un mot, c'est un autre Christ. Là se trouve en définitive l'identité du prêtre. Nous l'avons entendu répéter tant de fois : c'est un autre Christ. Alors pour­quoi avoir peur ?

Crions-le AVEC  CENT  MILLE LANGUES: LE PRÊTRE EST UN AUTRE CHRIST !

Extrait de : RETOUR AU MAGISTÈRE. Mgr Joseph Louis Beaumiere (1974)

Elogofioupiou.over-blog.com

 

 

 

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