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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 09:07

Au défi que lui lance saint Paul : « O mort, où est ta victoire? » La mort aurait beau jeu de répondre : « Ma victoire est partout, car pas un être humain ne m'échappe; et ma victoire est absolue, aboutissant à la désagrégation même de cet être humain. »

Or saint Paul se met dans la perspective et la lumière de la foi chrétienne.

Cette mort, qui se présentait comme une spoliation brutale et une extermination révoltante, doit maintenant nous apparaître comme le sommet de notre existence ici-bas, comme l'heure privilégiée de cette existence et sa consommation, l'acte le plus solennel, le plus beau et le plus méritoire de notre vie.

D'où vient ce changement radical, cette transfor­mation inattendue? C'est que le Dieu fait homme, venant ici-bas comme volontaire de la vie hu­maine, a voulu être aussi volontaire de la mort. Et tout ce que touche le Christ, il le transforme et le transfigure, même si en apparence il le laisse inchangé.

Même en vivant une existence de travail obscur et des occupations quotidiennes, Jésus a transformé l'obscurité et le quotidien. En mourant d'une mort humaine, Il a transformé cette mort et lui a donné un sens et une valeur : elle est un accomplisse­ment.

Reconnaissons que le Christ n'a pas triché avec la condition humaine : il a accepté et choisi la mort avec tout ce qu'elle peut comporter d'humiliation et de souffrance jusqu'au paroxysme.

Rien de glo­rieux dans ce drame, rien de grand, aucun pana­che, aucune auréole : la banalité d'une exécution capitale, apparemment, un fait divers de la chronique judiciaire, un mélange de barbarie et de vul­garité. Or c'est par cette croix brutale et déshono­rante que le Christ a sauvé le monde.

Car sur le Calvaire occupé par les ennemis et les badauds, la mort de Jésus, qui n'a rien d'une solennité liturgique et qui semble une boucherie ignoble, est en réalité le sommet de l'histoire religieuse, le sacrifice dans lequel le Prêtre souverain expie par sa charité le péché du monde et ouvre au genre humain les portes de la vie.

«Il n'y a rien de plus grand dans l'univers que Jésus-Christ, dit Bossuet, il n'y a rien de plus grand dans Jésus-Christ que son sacrifice; il n'y a rien de plus grand dans son sacrifice que son dernier soupir.»

Et pour Jésus lui-même cette neuvième heure sur le Calvaire, cette heure de lourdes ténèbres, qui semblait la fin de tout, annonce déjà l'aube pascale et la Résurrection.

Mais la foi ne nous révèle pas seulement la valeur infiniment méritoire et la beauté réelle de la mort de l'Homme Dieu; elle nous enseigne aussi que notre mort à nous a été sanctifiée par le Christ et que nous pouvons unir cette mort à son sacrifice.

Car qu'est-ce que la vie chrétienne tout entière sinon l'union avec le Christ mort et ressuscité? Cette union s'inaugure et s'opère réellement au baptême, qui est dans notre existence le seuil déci­sif, la péripétie essentielle, la rupture véritable, puisque c'est là que nous mourons au mal et nais­sons à la vie divine.

Cette union avec le Christ doit se continuer à travers toute notre vie : nous devons toujours davantage nous libérer de ce mal du péché et nous laisser envahir par la vie divine ; nous devons toujours davantage nous unir par nos souffrances offertes et notre amour au sacrifice du Sauveur, en mettant à profit les grâces qu'il nous a méritées par sa mort.

Mais c'est notre dernier jour, qui doit être le plus beau, qui doit être la suprême montée. Car c'est en acceptant généreusement la mort qui représente pour nous le plus dur sacrifice que nous sommes unis le plus étroitement au sacrifice du Christ ; c'est alors que nous pénétrons au suprême degré cette vie divine, qui doit à la fin s'épanouir dans notre résur­rection dont la Résurrection du Christ est le modèle et l'assurance indubitable.

Ce doit être l'acte décisif de notre vie, celui où se consommera enfin cette union avec le Christ mort et ressuscité qu'a inau­gurée notre baptême et qui doit se réaliser de mieux en mieux tout le long de notre existence.

Sur la Croix du Vendredi Saint le Sauveur nous a mérité cette grâce. Sur cette Croix où il pensait à nous, le Christ, Prêtre de toute l'humanité, a souf­fert, pour ainsi dire, d'avance notre agonie person­nelle; d'avance il l'a offerte avec la sienne au Père. Et au dernier moment, nous n'aurons qu'à accep­ter et à ratifier cette offrande faite jadis en notre nom.

Peu importent les circonstances mêmes de cette mort, que nous devons abandonner à la Providence et sur lesquelles nous devons avoir le courage de bannir toute anxiété et même toute interrogation.

Que nous mourions dans la banalité d'une chambre de malade ou tragiquement dans ce qu'on appelle un accident absurde, que notre mort soit entourée de soins attentifs et d'affection fidèle ou qu'elle soit tragiquement solitaire, en réalité elle ne sera ni solitaire, ni stupide, ni banale, puisqu'elle sera consolée par la présence du Christ, transfigurée par la grandeur du sacrifice, radieuse de l'espérance toute proche du ciel et de la perspective de la résurrection.

Il ne doit pas y avoir discontinuité et brisure entre la vie et la mort du chrétien comme si la mort était un coup de théâtre, un brusque renversement de situation. La mort n'est un gain pour l'homme que si le Christ est pour lui la vie, c'est-à-dire s'il a vécu dans sa lumière, dans sa vérité, dans l'observation de ses volontés, si son existence a été profondément une amitié avec le Christ.

C'est la grâce qu'il faut demander par l'interces­sion de Marie : car elle est Notre-Dame des agonies, celle qui a souffert en son cœur tous les déchire­ments de la mort de son Fils, celle qui près de la Croix de son premier-né a appris à veiller l'ago­nie de ses autres enfants ; et elle est Notre-Dame de l'Assomption, celle dont la mort fut une extase, parce qu'un élan irrésistible l'attirait vers ce Jésus qui était toute sa vie.

O Vierge, priez pour nous maintenant et à notre heure suprême.

Extrait de : PLUS PRÈS DE DIEU. Gaston Salet S. J. Volume 3

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