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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

3 avril 2014 4 03 /04 /avril /2014 08:44

Il y a une technique de l'action; il y a aussi une technique de la douleur.  L'essentiel, pour le chrétien, est de penser haut, cela revient   à oublier de penser à soi, à son cas, à sa plainte éventuelle et à sa peine.

 

Quand j'ai mal, j'appelle Dieu, et je pars avec lui bien loin de la douleur. Briser la chaîne du temps et fuir vers l’immobile; fixer son cœur là où règne l'éternelle sérénité, là où est notre place et où tend, d'un timide ou vaste essor, ce coup d'aile en nous qui s'appelle l'espérance, n'est-ce pas en finir avec les agitations et les rancœurs, avec les grossissements prétentieux que la souf­france, comme l'orgueil, suggère, avec les révoltes et les désespoirs, avec les dépressions et les en­gourdissements tristes? Si c'est fait, nous sommes dans la vérité de la douleur chrétienne, qui est passivité active et soumission dans la magnani­mité. Telle est la patience.

 

Chateaubriand écrivait : « Au jour de la mort, il nous sera fort indif­férent d'avoir été heureux ou malheureux ». Le jour de la mort ne fait qu'apporter ici une lumière plus vive; ce qu'il fait voir est vrai dès maintenant. Qu'importe le lieu de passage? Les causes de nos douleurs ne sont pas éternelles; elles passent, et nous restons. Que si nous avons tant de peine à noyer le sen­timent de nos tristesses dans celui de notre immortalité, ne serait-ce point que nous doutons, pratiquement, d'être des immortels? Mais alors, la vie est bien peu de chose, et peu importe qu'on la passe à rire ou à pleurer.

 

« Souffrir est une courte souffrance; avoir souffert est une longue joie. » (Le bienheureux Henri Suso.) Au coeur de la douleur même, cette joie se goûte du fait qu'elle s'annonce, du fait que l'amour est là, et que d'ailleurs, dans le pire état, tempéré de la paix chrétienne, bien des choses nous restent.

 

Le grand Willy écrivait : « Le pire n'est pas, aussi longtemps que nous pouvons dire : Voilà le pire ». Hamlet félicitait Horatio d'être « un homme qui en sachant tout souffrir se rend libre à l'égard de toute souffrance ».

 

La providence nous sou­tient contre ses propres chocs; elle nous rend en équivalents supérieurs tout ce qu'elle nous dérobe; elle nous laisse ce qu'une âme haute, place toujours bien au-dessus de ses épreuves : la grandeur de la vie et la beauté du monde. Même dans un buisson d'épines, on peut rester sensible au chant des oiseaux et à la douceur du ciel.

 

On entend bien que je parle ainsi au figuré; le « buisson » est légion,  les oiseaux et le ciel sont nombreux comme la vie elle-même. Toute­fois, l'univers a ici sa part.

 

Quand nous souffrons, nous accusons l'indif­férence des choses; nous voudrions que la nature suspendît son sublime travail; mais la nature est comme nous, elle a sa tâche et ne peut s'attarder à nous consoler. Son travail ne vaut-il pas mieux pour nous que sa plainte ?

 

Quand nous souffrons, l'univers continu à être beau, utile et artisan d'une œuvre éternelle. Il est au point de vue où nous devrions être nous-mêmes : celui des abou­tissements, auprès desquels nos souffrances ne comptent plus.

 

 

Extrait de : RECUEILLEMENT. Œuvre de A. D. Sertillages O.P. (1935)

 

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