Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

22 mars 2017 3 22 /03 /mars /2017 07:56

    L'HOMME MODERNE EST-IL ÉLOIGNÉ DE LA  PAIX ?

Être malheureux ne met en danger que l'individu ignorant le sens du bonheur. La vie n'est intolérable que pour les hommes qui ne savent pas pourquoi nous sommes vivants ; dans cet état d'âme, ils confondent le bonheur et le plaisir (ce qui est pourtant bien diffé­rent) et identifient la joie à un chatouillement des extrémités nerveuses (ce qu'elle n'est pas). Pourtant, les choses qui nous sont extérieures ne nous apportent jamais la paix intérieure. Plus un être s'acharne à rechercher l'assouvissement et à poursuivre un but dans un domaine qui échappe à notre contrôle, plus il est sujet aux déceptions.

Deux démarches nous rapprochent du bonheur. La première consiste à nous effacer du monde extérieur, à éviter de nous laisser exagérément absorber par les soucis et les biens de ce monde. La seconde est autre­ment plus profonde : elle consiste, en partant de ce qui est inférieur en nous, à effectuer une ascension vers ce qui est supérieur, une ascension depuis notre égotisme jusqu'à notre Dieu. L'homme moderne est conscient des bienfaits de la première démarche : les soucis et les biens de ce monde sont devenus pour lui les causes d'innombrables misères. Les guerres, les crises économiques, l'insécurité et la vacuité de l'existence ont tellement épouvanté les hommes qu'ils ont essayé de rompre les ponts avec le monde extérieur, commencé à rechercher des satisfactions en deçà des limites propres de leur moi. C'est la raison de la vogue que connaît aujourd'hui la psychiatrie. L'âme moderne, alarmée par tout ce qu'elle trouve autour d'elle, a baissé les rideaux et entrepris de découvrir la paix dans l'analyse de son propre inconscient, de ses anxiétés et de ses terreurs, de ses idées noires et de ses frustations.

Mais cet auto refoulement peut se transformer en prison, si l'on s'enferme seul avec son moi, car il n'y a pas dans le monde de camisole de force plus rigou­reuse que celle du moi abandonné à lui-même. Le remède ne consiste jamais à recourir au scalpel psychanalytique pour libérer le pus moral intérieur et le regarder couler ; c'est là une action morbide tant pour le patient que pour le praticien. Le remède consiste plutôt à découvrir pourquoi l'individu se sent isolé et effrayé de sa solitude, car la plupart des gens sont terrifiés à l'idée d'être laissés seuls, sans d'ailleurs savoir pourquoi cette perspective les épouvante.

Le problème d'aujourd'hui, c'est la recherche de la paix intérieure, et c'est en ceci que le vingtième siècle se sépare du dix-neuvième. Il y a plus de cent ans, les hommes cherchaient dans le monde extérieur une solution à leurs problèmes : ils adoraient la science ou la nature, ils attendaient le bonheur du progrès, ou de la poli­tique, ou de leurs gains matériels. L'homme du vingtième siècle est préoccupé de lui-même : il est encore plus soucieux du problème de la sexualité que de la sexualité elle-même, il s'intéresse à l'attitude mentale qu'il doit adopter à cet égard plus qu'à la jouissance physique et à la procréation des enfants. Ses propres valeurs morales, ses propres états d'âme, ses propres attitudes l'absorbent entièrement.

Bien qu'on ait écrit énormément de bêtises sur la vie intérieure de l'homme d'aujourd'hui, il n'en est pas moins vrai que le vingtième siècle est plus près de Dieu que ne l'était le dix-neuvième. Nous sommes à la veille d'une des grandes renaissances spirituelles de l'histoire humaine. C'est parfois lorsqu'elles se sentent le plus éloignées de Dieu, au bord du désespoir, que les âmes sont le plus proches du Seigneur. Car une âme vide, le Divin peut la remplir, et une âme tourmentée, l'Infini peut la pacifier. Par contre, une âme orgueilleuse et pleine d'elle-même est inac­cessible à la Grâce.

L'homme moderne a été humilié : ses orgueilleuses anticipations en matière de progrès et de science n'ont guère tourné comme il l'espérait. Néanmoins, il n'en est pas encore arrivé au point de faire contrition. Il reste emprisonné dans son moi, et il est toujours incapable de rien voir au-delà. Pendant quelques années encore, le psychanalyste continuera sans doute à être autorisé à explorer les pensées ; mais le temps n'est pas éloigné où l'homme lancera à Dieu un appel déchirant pour qu'il l'arrache aux citernes vides de son propre moi. Saint Augustin le savait bien lorsqu'il disait : « Nos cœurs restent agités tant qu'ils ne reposent pas en toi. »

C'est pourquoi, même si nous sommes menacés d'une guerre catastrophique, l'époque n'est pas aussi mauvaise qu'elle en a l'air. L'homme moderne n'est pas encore revenu à Dieu ; mais il a fait, du moins, un retour sur lui-même. Plus tard, il se dépassera avec la grâce de Dieu qu'il recherche dès maintenant. Nul n'a jamais recherché quelque chose sans être conscient de son existence ; aujourd'hui, l'âme frustrée recherche Dieu comme la mémoire recherche un nom que l'on avait l'habitude de connaître.

La différence entre ceux qui ont trouvé Dieu et ceux qui continuent à le chercher est comme la diffé­rence entre une épouse heureuse de jouir de la compa­gnie de son mari et une jeune fille qui se demande si elle trouvera jamais un mari et qui s'efforce d'attirer les hommes d'une manière qui n'est peut-être pas la bonne. Ceux qui poursuivent le plaisir, la gloire et la fortune sont tous, en réalité, à la recherche de l'Infini, mais ces chercheurs sont encore dans les faubourgs de la Cité Éternelle. Ceux qui ont la foi ont trouvé leur véritable foyer au sein de l'Infini, ils ont trouvé « cette paix que le monde ne peut pas donner ». De même qu'il est possible d'apercevoir une silhouette lointaine sans distinguer du premier coup qu'il s'agit d'un ami perdu de vue depuis longtemps, de même on peut éprouver un besoin d'Infini, désirer des extases d'amour qui n'auraient pas de fin, sans se rendre encore compte qu'il s'agit de Dieu.

Peu importe le degré d'abjection auquel une âme est parvenue, il n'en est aucune qui se soumette à des plaisirs illicites sans avoir conscience de son asser­vissement, de son esclavage. C'est pour cela sans doute que les alcooliques sont si souvent des menteurs ; leurs lèvres nient un esclavage dont leur existence porte un si visible témoignage. Ces individus qui répugnent à admettre leurs fautes se refusent avec obstination à la Vérité divine ; mais la tristesse et la vacuité de leur existence les mènera, en définitive, au Dieu de Miséricorde.

Notre monde extérieur est aujourd'hui dans un état désespéré, mais le monde intérieur de l'homme est loin d'être sans espoir. Le monde des politiciens et des économistes reste à la traîne, bien en retard sur le développement psychologique des hommes. Le monde est loin de Dieu, mais les cœurs humains ne le sont pas. C'est pourquoi la paix viendra moins

des bouleversements politiques que de l'homme lui-même, qui, contraint de chercher refuge contre les tumultes extérieurs dans son âme même, sera hissé au-dessus de lui-même jusqu'à ce bonheur pour lequel il a été créé.

Extrait de : LE CHEMIN DU BONHEUR  (Mgr fulton J. sheen)

Elogofioupiou.over-blog.com

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires