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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

23 juillet 2015 4 23 /07 /juillet /2015 17:30

INTRODUCTION But de la lettre.

Aujourd'hui, dernier jour de ma re­traite, je sors, pour ainsi dire, de l'at­trait de mon intérieur afin de former sur ce papier quelques légers traits de la croix, pour en percer vos bons cœurs. Plût à Dieu qu'il ne fallût pour les aiguiser, que le sang de mes veines au lieu de l'encre de ma plume ! Mais hélas ! Quand il serait nécessaire, il est trop criminel. Que l'esprit donc du Dieu vi­vant soit comme la vie, la force et la teneur de cette lettre ; que son onction soit comme l'encre de mon écritoire; que la divine Croix soit ma plume, et que votre cœur soit mon papier.

A. — Ce qu'ils sont :

Une association de vaillants.

Vous êtes unis ensemble, Amis de la Croix, comme autant de soldats crucifiés pour combattre le monde, non en fuyant comme des religieux et religieuses, de peur d'être vaincus, mais comme de vail­lants et braves guerriers sur le champ de bataille, sans lâcher le pied et sans tourner le dos. (L’expression «fuir le monde», assez fréquente chez les auteurs spirituels, signifie: ou bien embrasser la vie religieuse pour tendre à la perfection; ou bien, en certains cas, l'em­brasser par crainte de ne pas faire son salut dans le monde.

C'est dans ce dernier sens que l'entend le Saint, qui s'adresse à un auditoire déterminé.)

Courage et combattez vaillamment. Unissez-vous fortement de l'union des es­prits et des cœurs, infiniment plus forte et plus terrible au monde et à l'enfer, que ne le sont aux ennemis de l'État, les forces intérieures d'un royaume bien uni. Les démons s'unissent pour vous perdre, unissez-vous pour les terrasser ; les ava­res s'unissent pour trafiquer et gagner de l'or et de l'argent, unissez vos travaux pour conquérir les trésors de l'éternité, renfermés dans la Croix; les libertins s'unissent pour se divertir, unissez-vous pour souffrir.

Leur nom est grand.

Vous vous appelez Amis de la Croix. Que ce nom est grand ! Je vous avoue que j'en suis charmé et ébloui. Il est plus brillant que le soleil, plus élevé que les cieux, plus glorieux et plus pompeux que les titres les plus magnifiques des rois et des empereurs. C'est le nom de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme tout ensemble; c'est le nom sans équi­voque d'un chrétien.

Leurs obligations sont nom­breuses.

Mais si je suis ravi de son éclat, je ne suis pas moins épouvanté de son poids. Que d'obligations indispensables et diffi­ciles, renfermées en ce nom, et exprimées par ces paroles du Saint-Esprit : Un Ami de la Croix est un homme choisi de Dieu entre dix mille qui vivent selon les sens et la seule raison, pour être un homme tout divin ; élevé au-dessus de la raison, et tout opposé aux sens par une vie et une lumière de pure foi, et un amour ardent pour la Croix. Un Ami de la Croix est un roi tout-puissant et un héros triom­phant du démon, du monde et de la chair dans leurs trois concupiscences: par l'amour des humiliations, il terrasse l'or­gueil de Satan ; par l'amour de la pau­vreté, il triomphe de l'avarice du monde ; par l'amour de la douleur, il amortit la sensualité de la chair. Un Ami de la Croix est un homme saint et séparé de tout le visible, dont le cœur est élevé au-dessus de tout ce qui est caduc et péris­sable, et dont la conversation est dans les cieux, qui passe sur la terre comme un étranger et un pèlerin, et qui, sans y donner son cœur, la regarde de l'œil gauche avec indifférence et la foule de ses pieds avec mépris. Un Ami de la Croix est une illustre conquête de Jésus-Christ crucifié sur le Calvaire en union de sa sainte Mère; c'est Bénoni ou Ben­jamin, fils de la douleur et de la droite, enfanté dans son cœur douloureux, venu au monde par son côté droit percé, et tout empourpré de son sang ; tenant de son extraction sanglante, il ne respire que croix, que sang et que mort au mon­de, à la chair et au péché, pour être tout caché ici-bas avec Jésus-Christ en Dieu. Enfin, un parfait Ami de la Croix est un vrai porte-Christ, ou plutôt un Jésus-Christ, en sorte qu'on peut dire avec vé­rité : Je vis; non, je ne vis plus, mais Jésus-Christ vit en moi.

B. — Comment ils doivent vivre.

En séparés du monde et en disciples de Jésus-Christ.

Êtes-vous par vos actions, mes chers Amis de la Croix, tels que votre grand nom signifie ou du moins avez-vous un vrai désir et une volonté véritable de le devenir avec la grâce de Dieu, à l'ombre de la Croix du Calvaire et de Notre-Dame de Pitié ? Prenez-vous les moyens nécessaires pour cet effet? Êtes-vous entrés dans la vraie voie de la vie, qui est la voie étroite et épineuse du Calvaire ?

N'êtes-vous point, sans y penser, dans la voie large du monde, qui est la voie de la perdition ? Savez-vous bien qu'il y a une voie qui paraît droite et sûre à l'homme et qui conduit à la mort ? Dis­tinguez-vous bien la voix de Dieu et de sa grâce d'avec celle du monde et de la nature ? Entendez-vous bien la voix de Dieu, notre bon Père, qui, après avoir donné sa triple malédiction à tous ceux qui suivent les concupiscences du monde : Vous crie amoureusement, en vous tendant les bras: Sépa­rez-vous, mon peuple choisi, chers Amis de la Croix de mon Fils ; séparez-vous des mondains, maudits de ma Majesté, excommuniés de mon Fils et condamnés de mon Esprit-Saint ? Prenez garde de vous asseoir dans leur chaire tout empes­tée ; n'allez point dans leurs conseils, ne vous arrêtez pas même dans leurs che­mins. Fuyez du milieu de la grande et infâme Babylone ; n'écoutez que la voix et ne suivez que les traces de mon Fils bien-aimé, que je vous ai donné pour être votre voie, votre vérité, votre vie et votre modèle. » L'écoutez-vous cet aimable Jésus qui vous crie, chargé de sa Croix : «Venez après moi ; celui qui me suit ne marche point dans les ténèbres : Confiez-vous, j'ai vain­cu le monde ? »

Les deux partis.

Voilà, mes chers Confrères, voilà deux partis qui se présentent tous les jours : celui de Jésus-Christ et celui du monde. Celui de notre aimable Sauveur est à droite, en montant, dans un chemin étroit et rétréci plus que jamais par la corrup­tion du monde. Ce bon Maître y est en tête, marchant les pieds nus, la tête cou­ronnée d'épines, le corps tout ensanglanté et chargé d'une lourde Croix ; il n'y a qu'une poignée de gens, mais des plus vaillants, à le suivre, parce qu'on n'entend pas sa voix si délicate au milieu du tu­multe du monde, ou on n'a pas le courage de le suivre dans sa pauvreté, ses dou­leurs, ses humiliations et ses autres Croix, qu'il faut nécessairement porter à son service tous les jours de la vie.

A gauche est le parti du monde ou du démon, lequel est le plus nombreux, le plus magnifique et le plus brillant, du moins en apparence. Tout le plus beau monde y court, on y fait presse quoique les chemins soient larges et plus élargis que jamais par la multitude qui y passe comme des torrents ; ils sont jonchés de fleurs, bordés de plaisirs et de jeux, cou­verts d'or et d'argent.

A droite, le petit troupeau qui suit Jésus-Christ ne parle que de larmes, de pénitences, d'oraisons et de mépris du monde; on entend continuellement ces paroles entrecoupées de sanglots : « Souf­frons, pleurons, jeûnons, prions, cachons-nous, humilions-nous, appauvrissons-nous, mortifions-nous, car celui qui n'a pas l'esprit de Jésus-Christ, qui est un esprit de Croix, n'est point à lui : ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec leurs concupiscences ; il faut être conforme à l'image de Jésus-Christ ou être damné. Courage, s'écrient-ils, courage; si Dieu est pour nous, en nous et devant nous, qui sera contre nous? Celui qui est en nous est plus fort que celui qui est dans le monde; le serviteur n'est pas plus que le maître; un moment d'une légère tribulation produit un poids éternel de gloire; il y a moins d'élus qu'on ne pense ; il n'y a que les courageux et les violents qui ravissent le ciel de vive force; personne n'y sera couronné que celui qui aura combattu légitimement selon l'Évangile, et non pas selon le monde. Combattons donc avec force, cou­rons bien vite afin que nous atteignions le but, afin que nous gagnions la cou­ronne. »

Voilà une partie des paroles divines dont les Amis de la Croix s'animent mu­tuellement.

Les mondains, au contraire, pour s'animer à persévérer dans leur ma­lice sans scrupule, crient tous les jours : « La vie, la vie, la paix, la paix, la joie, la joie! Mangeons, buvons, chantons, dansons, jouons : Dieu est bon, Dieu ne nous a pas faits pour nous damner, Dieu ne défend pas de se divertir; nous ne se­rons pas damnés pour cela ; point de scru­pule, etc. »

Appel de Jésus.

Souvenez-vous, mes chers Confrères, que notre bon Jésus vous regarde à pré­sent, et vous dit à chacun en particulier: « Voilà que quasi tout le monde m'aban­donne dans le chemin royal de la Croix : les idolâtres aveugles se moquent de ma Croix comme d'une folie, les Juifs obstinés s'en scandalisent comme d'un objet d'horreur, les hérétiques la brisent et l'abattent comme une chose digne de mé­pris; mais, ce que je ne puis dire que les larmes aux yeux et le cœur percé de douleur, mes enfants que j'ai élevés dans mon sein et que j'ai instruits en mon école, mes membres que j'ai animés de mon esprit, m'ont abandonné et méprisé, en devenant les ennemis de ma Croix.

Ne voulez-vous point aussi, vous autres, m'abandon­ner en fuyant ma Croix, comme les mon­dains, qui sont en cela autant d'Antéchrists ? Voulez-vous, afin de vous conformer à ce siècle pré­sent, mépriser la pauvreté de ma Croix pour courir après les richesses, éviter la douleur de ma Croix pour rechercher les plaisirs, haïr les humiliations de ma Croix pour ambitionner les honneurs ? J'ai beaucoup d'amis en apparence qui protestent qu'ils m'aiment, et qui, dans le fond, me haïssent, parce qu'ils n'ai­ment pas ma Croix, beaucoup d'amis de ma table et très peu de ma Croix. »

Notre réponse.

A cet appel amoureux de Jésus, éle­vons-nous au-dessus de nous-mêmes; ne nous laissons pas séduire par nos sens, comme Êve ; ne regardons que l'auteur et le consommateur de notre foi, Jésus crucifié ; fuyons la corruption de la con­cupiscence du monde corrompu; aimons Jésus-Christ de la belle manière, c'est-à-dire au travers de toutes sortes de Croix.

(A suivre)

Extrait de : Lettre aux Amis de la Croix. L.M. de Montfort. Éditions Monfortaines. Montréal. (1957)

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