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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

27 juillet 2015 1 27 /07 /juillet /2015 07:33

Code de perfection chrétienne (suite)

Parce que disciples et membre de J.-C.

Amis de la Croix, écoliers d'un Dieu crucifié, le mystère de la Croix est un mystère inconnu des Gentils, rejeté des Juifs et méprisé des hérétiques et des mauvais catholiques; mais c'est le grand mystère que vous devez apprendre en pratiquant dans l'école de Jésus-Christ, et que vous ne pouvez apprendre qu'à son école. Vous chercherez en vain dans toutes les académies de l'antiquité un philosophe qui l'ait enseigné; vous consulterez en vain la lumière des sens et de la raison: il n'y a que Jésus-Christ qui puisse vous enseigner et faire goûter ce mystère par sa grâce victorieuse.

Rendez-vous donc habiles en cette science suréminente, sous un si grand maître, et vous aurez toutes les autres sciences, puis qu'elle les renferme toutes éminemment.

C'est notre philosophie naturelle et surnaturelle, notre théologie divine et mystérieuse, et notre pierre philosophale qui change, par la patience, les métaux les plus grossiers en précieux, les douleurs les plus aiguës en délices, les pauvretés en richesses, les humiliations les plus profondes en gloire.

Celui parmi vous qui sait mieux porter sa croix, quand il ne saurait d'ailleurs ni A ni B, est le plus savant de tous.

Écoutez le grand saint Paul qui, à son retour du troisième ciel, où il apprit les mystères cachés aux Anges même, s'écrie qu'il ne sait et qu'il ne veut savoir que Jésus-Christ crucifié.

Réjouissez-vous, pauvre homme, pauvre femme sans esprit et sans science: si vous savez souffrir joyeusement, vous en saurez plus qu'un docteur de Sorbonne, qui ne sait pas si bien souffrir que vous.

Vous êtes membres de Jésus-Christ, quel honneur ! Mais quelle nécessité de souffrir en cette qualité ! Le chef est couronné d'épines, et les membres seraient couronnés de roses?

Le chef est bafoué et couvert de boue dans le chemin du Calvaire, et les membres seraient couverts de parfums sur le trône ?

Le chef n'a pas un oreiller pour se reposer et les membres seraient délicatement couchés sur la plume et le duvet? Ce serait un monstre inouï.

Non, non, mes chers Compagnons de la Croix, ne vous y trompez pas, ces chrétiens que vous voyez de tous côtés, ornés à la mode, délicats à merveille, élevés et graves à l'excès, ne sont pas les vrais disciples ni les vrais membres de Jésus crucifié; vous feriez injure à ce chef couronné d'épines et à la vérité de l'Évangile que de croire le contraire.

O mon Dieu! Que de fantômes de chrétiens qui se croient être les membres du Sauveur, et qui sont ses persécuteurs les plus traîtres, parce que, tandis que de la main ils font le signe de la Croix, ils en sont les ennemis dans leur cœur !

Si vous êtes conduits par le même esprit, si vous vivez de la même vie que Jésus-Christ, votre chef tout épineux, ne vous attendez qu'aux épines, qu'aux coups de fouet, qu'aux clous, en un mot qu'à la croix, parce qu'il est nécessaire que le disciple soit traité comme le maître et le membre comme le chef, et si le ciel vous présente, comme à sainte Catherine de Sienne, une couronne d'épines et une couronne de roses, choisissez avec elle la couronne d'épines, sans balancer, et vous l'enfoncez dans la tête, pour ressembler à Jésus-

Christ.

Parce que temples vivant du Saint-Esprit!

Vous n'ignorez pas que vous êtes les temples vivants du Saint-Esprit, et que vous devez, comme autant de pierres vives, être placées par ce Dieu d'amour au bâtiment de la Jérusalem céleste.

Attendez-vous donc à être taillées, coupées et ciselées par le marteau de la croix; autrement, vous demeureriez comme des pierres brutes qu'on n'emploie à rien, qu'on méprise et qu'on rejette loin de soi.

Prenez garde de faire regimber le marteau qui vous frappe, et prenez garde au ciseau qui vous taille et à la main qui vous tourne! Peut-être que cet habile et amoureux architecte veut faire de vous une des premières pierres de son édifice éternel, et un des plus beaux portraits de son royaume céleste.

Laissez-le donc faire; il vous aime, il sait ce qu'il fait, il a de l'expérience; tous ses coups sont adroits et amoureux, il n'en donne aucun de faux, si vous ne le rendez inutile par votre impatience.

Le Saint-Esprit compare la croix: – tantôt à un van qui purifie le bon grain de la paille et des ordures: laissez-vous donc, sans résistance, comme le grain du van, ballotter et remuer; vous êtes dans le van du Père de famille, et bientôt vous serez dans son grenier; – tantôt à un feu qui ôte la rouille du fer par la vivacité de ses flammes: notre Dieu est un feu consumant qui demeure par la croix dans une âme pour la purifier, sans la consumer, comme autrefois dans le buisson ardent; – tantôt à un creuset d'une forge, où le bon or se raffine, et où le faux or

s'évanouit en fumée: le bon en souffrant patiemment l'épreuve du feu, le faux en s'élevant en fumée contre ses flammes; c'est dans le creuset de la tribulation et de la tentation que les vrais amis de la Croix se purifient par leur patience, tandis que ses ennemis s'en vont en fumée par leur impatience et leurs murmures.

Parce que justes et saints, après le Christ et Marie, ont souffert.

Regardez, mes chers Amis de la Croix, regardez devant vous une grande nuée de témoins, qui prouvent, sans dire mot, ce que je vous dis. Voyez, comme en passant, un Abel juste et tué par son frère; un Abraham juste et étranger sur la terre; un Loth juste et chassé de son pays; un Jacob juste et persécuté par son frère; un Tobie juste et frappé d'aveuglement; un Job juste et appauvri, humilié et frappé d'une plaie depuis les pieds jusqu'à la tête.

Regardez tant d'Apôtres et de Martyrs empourprés de leur sang; tant de Vierges et de Confesseurs appauvris, humiliés, chassés, rebutés, qui tous s'écrient avec saint Paul: Regardez notre bon Jésus, l'auteur et le consommateur de la foi que nous avons en lui et en sa Croix; il a fallu qu'il ait souffert pour entrer par la Croix dans sa gloire. Voyez, à côté de Jésus-Christ, un glaive perçant qui pénètre jusqu'au fond le cœur tendre et innocent de Marie, qui n'avait jamais eu aucun péché, ni originel ni actuel.

Que ne puis-je m'étendre ici sur la Passion de l'un et de l'autre, pour montrer que ce que nous souffrons n'est rien en comparaison de ce qu'ils ont souffert !

Après cela, qui de nous pourra s'exempter de porter sa croix?

Qui de nous ne volera pas avec rapidité dans les lieux où il sait que la croix l'attend ? Qui ne s'écriera pas avec saint Ignace martyr: Que le feu, que la potence, que les bêtes et tous les tourments du démon viennent fondre sur moi, afin que je jouisse de Jésus-Christ!

Ce qui arrivera si on la porte mal.

Mais enfin, si vous ne voulez pas souffrir patiemment, et porter votre croix avec résignation comme les prédestinés, vous la porterez avec murmure et impatience comme les réprouvés. Vous serez semblables à ces deux animaux qui traînaient l'Arche d'alliance en mugissant, Vous imiterez Simon de Cyrène, qui mit la main à la Croix même de Jésus-Christ malgré lui, et qui ne faisait que murmurer en la portant. Il vous arrivera enfin ce qui est arrivé au mauvais larron qui du haut de sa croix tomba dans le fond des abîmes. Non, non, cette terre maudite où nous vivons ne fait point de bienheureux; on ne voit pas bien clair en ce pays de ténèbres; on n'est point dans une parfaite tranquillité sur cette mer orageuse; on n'est point sans combats dans ce lieu de tentation et ce champ de bataille; on n'est point sans piqûre sur cette terre couverte d'épines. Il faut que les prédestinés et les réprouvés y portent leur croix, bon gré mal gré. Retenez ces quatre vers:

Choisis une des croix que tu vois au Calvaire,

Choisis bien sagement; car il est nécessaire

De souffrir comme un saint, ou comme un pénitent

Ou comme un réprouvé qui n'est jamais content.

C'est-à-dire, que si vous ne voulez pas souffrir avec joie comme Jésus-Christ, ou avec patience comme le bon larron, il faudra que vous souffriez malgré vous comme le mauvais larron; il faudra que vous buviez jusqu'à la lie du calice le plus amer, sans aucune consolation de la grâce, et que vous portiez le poids tout entier de votre croix, sans aucune aide puissante de Jésus-Christ. Il faudra même que vous portiez le poids fatal que le démon ajoutera à votre croix, par l'impatience où elle vous jettera, et qu'après avoir été malheureux avec le mauvais larron sur la terre, vous alliez le trouver dans les flammes.

Ce qui arrivera, si on la porte comme il faut.

Mais si, au contraire, vous souffrez comme il faut, la croix deviendra un joug très doux, que Jésus-Christ portera avec vous. Elle deviendra les deux ailes de l'âme qui s'élève au ciel; elle deviendra un mât de navire qui vous fera heureusement et facilement arriver au port du salut.

Portez votre croix patiemment, et par cette croix bien portée, vous serez éclairés en vos ténèbres spirituelles; car qui ne souffre rien par la tentation, ne sait rien.

Portez votre croix joyeusement, et vous serez embrasés du divin amour; car personne ne vit sans douleur, dans le pur amour du Sauveur. On ne cueille de roses que parmi les épines.

La croix seule est la pâture de l'amour de Dieu, comme le bois est celle du feu. Souvenez-vous donc de cette belle sentence du livre de l'Imitation: Autant que vous vous ferez de violence, en souffrant patiemment, autant vous avancerez dans l'amour divin. N'attendez rien de grand de ces âmes délicates et paresseuses qui refusent la croix, quand elle les aborde, et qui ne s'en procurent aucune avec discrétion: c'est une terre inculte qui ne donnera que des épines, parce qu'elle n'est point coupée, battue ni remuée par un sage laboureur; c'est une eau croupissante qui n'est propre ni à laver ni à boire.

Portez votre croix joyeusement, et vous y trouverez une force victorieuse, à laquelle aucun de vos ennemis ne pourra résister, et vous y goûterez une douceur charmante, à laquelle il n'y a rien de semblable. Oui, mes Frères, sachez que le vrai paradis terrestre est de souffrir quelque chose pour Jésus-Christ.

Interrogez tous les saints: ils vous diront qu'ils n'ont jamais goûté un festin si délicieux à l'âme que lorsqu'ils ont souffert les plus grands tourments. Que tous les tourments du démon viennent fondre sur moi! disait saint Ignace martyr. Ou souffrir, ou mourir, disait sainte

Thérèse. Non pas mourir, mais souffrir, disait sainte Madeleine de Pazzi. Souffrir et être méprisé pour vous, disait le bienheureux Jean de la Croix; et tant d'autres ont tenu le même langage, comme on lit dans leur vie.

Croyez Dieu, mes chers Frères: Quand on souffre joyeusement pour Dieu, la croix, dit le Saint-Esprit, est le sujet de toutes sortes de joie pour toutes sortes de personnes. La joie de la croix est plus grande que celle d'un pauvre que l'on comble de toutes sortes de richesses, que la joie d'un paysan qu'on élève sur le trône; que la joie des géné­raux d'armée qui remportent des victoi­res; que la joie des captifs qui sont déli­vrés de leurs fers; enfin, qu'on s'imagine toutes les plus grandes joies d'ici-bas: celle d'une personne crucifiée, qui souffre bien, les renferme et les surpasse toutes.

Note : Monfort disait lui-même : Point de croix, quelle croix !

Le grand présent de Dieu, que la croix.

Réjouissez-vous donc et tressaillez d'al­légresse, lorsque Dieu vous fera part de quelque bonne croix ; car ce qu'il y a de plus grand dans le ciel et en Dieu même tombe en vous, sans vous en apercevoir. Le grand présent de Dieu que la Croix ! Si vous le compreniez, vous feriez dire des messes, vous feriez des neuvaines aux tombeaux des Saints, vous entrepren­driez de longs voyages, comme les saints ont fait, pour obtenir du ciel ce divin présent. Le monde l'appelle une folie, une infamie, une sottise, une indiscrétion, une imprudence: laissez dire ces aveugles; leur aveuglement, qui leur fait regarder la Croix en hommes et tout de travers, fait une partie de notre gloire ; toutes les fois qu'ils nous procurent quelques croix par leur mépris et leurs persécutions, ils nous donnent des bijoux, ils nous mettent sur le trône, ils nous couronnent de lau­riers ; que dis-je ? Toutes les richesses, tous les honneurs, tous les sceptres, toutes les couronnes brillantes des potentats et des empereurs, ne sont pas comparables à la gloire de la Croix, dit saint Jean Chrysostome ; elle surpasse la gloire d'apôtre et d'écrivain sacré. Je quitterais volontiers le ciel, s'il était à mon choix, disait ce saint homme éclairé du Saint-Esprit, pour endurer pour le Dieu du ciel. Je préférerais les cachots aux trônes de l'empyrée ; je n'ai pas tant d'envie de la gloire des Séraphins que des plus gran­des croix. J'estime moins le don des mi­racles par lequel on commande aux dé­mons, on ébranle les éléments, on arrête le soleil, on donne la vie aux morts, que l'honneur des souffrances. Saint Pierre et saint Paul sont plus glorieux dans les cachots, les fers aux pieds, que de s'éle­ver au troisième ciel, et de recevoir les clefs du Paradis. En effet, n'est-ce pas la Croix qui a donné à Jésus-Christ un nom au-dessus de tous les noms, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, et sur terre, et dans les enfers? La gloire d'une personne qui souffre bien est si grande, que le ciel, les Anges et les hom­mes, et le Dieu même du ciel la contem­plent avec joie, comme le plus glorieux spectacle, et que si les Saints avaient un désir, ce serait de revenir sur la terre porter quelques croix. Mais si cette gloire est si grande même sur la terre, quelle sera donc celle qu'elle acquiert dans le ciel? Qui expliquera et qui comprendra jamais ce poids éternel de gloire qu'opéré en nous un seul moment d'une croix bien portée? Qui comprendra celle qu'une an­née, quelquefois une vie tout entière de croix et de douleurs opère dans le ciel ! Assurément, mes chers Amis de la Croix, le ciel vous prépare quelque chose de grand, vous dit un grand Saint, puisque le Saint-Esprit vous unit si étroitement dans une chose que tout le monde fuit avec tant de soin. Assurément Dieu veut faire autant de Saints et de Saintes que vous êtes d'Amis de la Croix, si vous êtes fidèles à votre vocation, si vous por­tez votre Croix comme il faut, comme Jésus-Christ l'a portée.

(A suivre)

Extrait de : Lettres aux amis de la Croix. L.M. De Montfort.

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