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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

13 mars 2015 5 13 /03 /mars /2015 10:05

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné…

Jésus a-t-il assez souffert ? Couvert d'ignominies, épuisé dans son corps par la perte de son sang qui coule de toutes ses plaies, torturé dans son coeur par tous les déchirements de l'amour, a-t-il atteint le degré suprême de la douleur, et la passion de son âme est-elle complète ? Oh non, loin de là. Il doit vider le calice jusqu'à la lie. Cette lie ne viendra pas des créatures. Elle sera ver­sée par la justice infinie d'un Dieu qui exige le châtiment absolu de Celui qui seul peut l'offrir dans toute sa perfection.

Au moment de mourir dans les affres de la plus cruelle des agonies, Jésus adresse à son Père le cri déchirant de la désolation : Mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ? Dans les épreuves les plus douloureuses, alors que l'homme troublé, bouleversé jusque dans le fond de son être, ne voit autour de lui que ténè­bres et tristesses, quand tout le monde le repousse avec dédain et sans pitié, il lui reste quand même la ressource d'une cons­cience qui le console par le calme de sa sécurité, ou le soutient même par la satisfaction du remords. Et surtout il peut, privé de toute consolation humaine, se tourner vers Dieu et jeter en lui une espérance qui ne trompe jamais.

Mais pour le Sauveur sur la croix, il est devenu l'iniquité elle-même, puisqu'il porte tous les péchés, toutes les offenses de l'hu­manité; et devant son Père il disparaît avec sa sainteté et son amour, pour ne laisser voir que le crime et la peine à subir. Il n'a donc rien à attendre que justice implacable et délaissement cruel.

Et pourtant c'est le Père qui jadis mettait ses complaisances dans le Fils bien-aimé, c'est lui dont Jésus a voulu en toute chose faire la volonté, c'est lui dont le Sauveur avait enseigné à tous les bontés prévoyantes, et vers qui il avait ramené la confiance humaine par la prière filiale. C'est à lui que tout à l'heure au cénacle il adressait un chant d'amour, et pour qui il voulait con­quérir l'humanité. A l'instant même, il vient de supplier son Père, et de demander le pardon pour les bourreaux qui le tourmentent. Et maintenant tout est changé; tout semble évanoui des tendres­ses divines.

Le Fils ne voit pas s'ouvrir les bras paternels, il faudra qu'il meure sans avoir senti les douceurs du pardon, ni les joies de la réconciliation, puisque c'est l'acte même de la mort qui la fera s'opérer : Mon Dieu pourquoi m'avez-vous donc abandonné.

Tout est consommé

Cherchons s'il s'est jamais trouvé quelque chose dans l'histoire des douleurs humaines, et jusque dans la passion de Jésus qui les résume toutes, qui puisse être comparée à cet état de l'âme de Jésus, ainsi privée de la seule consolation qui lui apporterait quelque soulagement.

Que sont les peines, les tourments de toute nature qui peuvent lui venir des êtres qui l'entourent, et sur lesquels il lui suffirait d'un regard pour les terrasser et les anéantir.

De ces afflictions extérieures ou même intimes qui sont l'effet de la haine ou de l'amour des hommes, il a pu lui-même fixer librement la mesure. Il est vrai que cette mesure dépasse tout ce qu'une âme humaine n’aurait jamais pu concevoir. Mais pour i'affliction qui lui vient de son Père, exerçant sur lui sa pleine justice pour le châtiment de l'humanité, dont il porte tous les crimes et par conséquent, dont il porte aussi toutes les douleurs qu'elle a méritées, cette affliction l'enveloppe comme un vêtement dont il ne peut se dégager et qui, par le caractère épouvantable de son action sur le cœur de Jésus, a pu être prédite par les prophètes comme une malédiction. Et c'est là le dernier mot de la passion de l'âme de Jésus, qu'il remet ainsi broyée entre les mains de son Père.

Mgr Joseph-Médard Emard, év. (92)

Extrait de : Nourritures Spirituelles, tome 1. Fides 1956

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